jeudi 23 avril 2009
Ingérences.
Premier post depuis mon retour en France....
Et bin je ne vais pas parler de notre adaptation suite à notre retour, ni de notre succulent premier repas français post avion (entrecôte juteuse et sa moutarde, frites et ptite salade de mâche, et fromage, plus français tu meurs !!!), ni de mes lessives qui restent sales, ni de de la joie de mes enfants de retrouver maison, chats et jouets (et devoirs et piano pour pov' Nish !).... Non, j'ai juste envie de parler de la vente échouée de Rubi, la p'tite actrice de Slumdog M', par son père (pasque quand même, mine de rien, le père est "allé voir" pour se renseigner, même si d'après lui il a fini par refuser...). Et aussi de la baffe qu'avait reçu l'autre acteur par son père devant les caméras, juste après que le gosse soit revenu des cérémonies de Oscars.
Comme tout le monde je pourrais dire, "ouaih dégueu de tabasser son gosse pour une broutille, surtout devant les caméras" et "encore plus dégueu de vendre sa fille à un émir pour un soit-disant "adoption" en vantant le fait que sa fille est un "Oscar girl" ".
Oui bien sur que c'est dégueu, je condamne ces faits. Mais je ne juge pas ces pères. Car je me mets à leur place, les pieds dans la crasse et le cafards de son slum, et avec le cerveau d'un indien de ces milieux là.
Imaginez ces chefs de famille qui gagnaient deux sous à force de sueur, et qui se retrouvent subitement avec des gosses millionnaires, grâce à qui ils auront les beaux apparts qu'ils n'auraient jamais eu autrement, et qui possèdent ce que eux pourraient gagner en 10 vies... Contrairement à eux, leurs gosses ont "facilement" gagné des fortunes, en quelques mois de tournage, sans trop d'efforts comme dans un jeu... Un peu comme l'émission de "qui veut gagner des millions" !!!
Y a de quoi déstabiliser un père de famille qui voit son rôle de chasseur-macho -ramenant-viande-à-tribu fortement écornée, les rôles dans la famille sont presque inversés ! Ces gars là étant peu intellos, ils ont sans doute voulu inconsciemment éliminer "le chasseur concurrent" par baffes et ventes à émir.
Alors j'ai presque envie de dire : "Quoi de plus naturel, c'était prévisible, ne leur jetons pas la pierre". Lorsqu'on connait la société indienne et leur mode de raisonnement, cela n'a rien de surprenant. Avoir du jour au lendemain, une poule aux oeufs d'or dans sa descendance, voilà de quoi déstabiliser un père de famille indienne pour qui une femme est une machine à gérer le foyer, et pour qui les enfants sont des sympathiques animaux de compagnie (et qui au terme peuvent lui couter un bras s'il s'agit de filles à doter pour le mariage).... Et en plus il ne peut rien toucher de ces oeufs, puisque tout est pour l'instant placé.De quoi péter un câble et faire n'importe quoi.
Danny Boyle, le réalisateur du film, en voulant "aider" des enfants de la rue (ou a-t-il voulu tout simplement les embaucher pour qu'ils soient plus crédibles que des petits riches ?) a perturbé l'équilibre fragile de ces familles pauvres, et ce genre de conséquence était plus que prévisible...
Moi ce qui m'inquiète le plus, c'est que ces petits millionnaires (aux yeux des autres habitants de leur slum) sont maintenant fragiles et vulnérables dans leur slum. Qui les protège des prédateurs ? Les autres familles doivent les regarder avec envie, et ils doivent susciter bien de la convoitise et de jalousies. Je prie qu'ils ne soient les futures victimes de mafieux (comme les "méchants" décrits dans le film) qui pourraient être tentés de les kidnapper pour récupérer en échange l'argent amassé grâce au film... Et vu le tollé médiatique autour de la vie de ces gosses, cela ne m'étonnerait qu'à moitié, surtout pour la petite fille ...
Pourvu que ce fric ne fasse pas plus de mal que de bien à ces enfants...
Et tout cela me ramène à un mot qui me revient souvent à l'esprit, lorsque j'entends parler d'actions humanitaires pour d'aider des hommes dans le besoin : l'ingérence.
A-t-on le droit de perturber la structure d'une société, remanier l'équilibre d'un village, d'une famille, ou pire violer les lois d'un pays, sous prétexte d'aider son prochain ?
Je me pose cette question très souvent, depuis que j'ai vu il ya des puits construits par les musulmans au Burkina Faso, en échange de quoi le village entier a dû se convertir à la religion musulmane (et missionnaires chrétiens en Afrique ou ailleurs, même pas mieux)...
(Et parenthèse, j'avais aussi vu de nombreux puits offerts par Unicef, laissés à l'abandon à la première panne, pasque l'ONG n 'avait pas sensibilisé et responsabilisé le village à son entretien et maintenance...)
Pour moi la définition de l'aide humanitaire idéale est la suivante : aider oui, à long terme avec participation des aidés, sans détruire l'équilibre existant, et sans imposer sa "culture occidentale"... C'est un difficile équilibre à trouver, car donner quelque chose de nouveau perturbe l'équilibre existant. Mais comme souvent l'humanitaire se fait dans l'urgence, cela est souvent loin d'être le cas. Mais est-ce une raison de ne pas y réfléchir systématiquement ? Car il y a l'action et son soulagement immédiat, mais ce qui reste, sont les conséquences à long terme.
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10 commentaires:
HEllo,
vaste sujet que celui que tu évoques... Effectivement, il faut toujours se poser ce type de question mais il ne faut pas ^etre na¨if, il y a peu (pas ?) d'aide qui se fasse sans aucune ingérence et modification d'équilibre. Trouver un nouvel équilibre, qui ne soit pas précaire car dépendant uniquement de l'aide apportée ou peu compatible des us et coutumes locaux, ce pourrait etre aussi une définition...
En tous les cas, on a tous des exemples d'aides qui se révèlent à terme ^etre des vrais "poisons" pour ceux qui en bénéficient.
Bonne reprise !
Gwendoline
Effectivement, c'est un vaste sujet. Kouchner lui meme parlait de "devoir d'ingerence humanitaire". Car parfois, oui, je crois qu'il y a devoir.
Il faut aussi savoir qu'helas, les media (bien que souvent formidables) ont parfois tendance a rapporter davantage les erreurs ou echecs que les histoires reussies.
Aujourd'hui, les organisations humanitaires font davantage attention a l'apres, a la prise en charge par le pays par la suite. J'entends parler de cela a longueur de journee. Mais parfois, une fois l'organisation partie,il est vrai que les pieces detachees manquent, ou l'envie de poursuivre (de la part des locaux), ou bien les personnes formees par l'organisation vont ailleurs sans transmettre leur savoir aux autres. Mais il y a un reel effort pour transmettre un savoir, pour laisser des puits, des routes, construire des ecoles, etc. (Cf Haiti par exemple).
Il ne faut pas oublier non plus que ces organisations sont tres sollicitees, que leurs ressources sont limitees, qu'une urgence en chasse une autre, qu'elles ne sont pas toujours les bienvenues non plus... Je me souviens aussi d'un pays ou une ecole fut construite, financee, mais ou le maitre n'allait jamais.
Par ailleurs, dans l'urgence, il y a souvent des pbs de priorite car bp d'agences foncent sur le terrain et la coordination est difficile dans l'urgence. Cf tsunami.
Mais elles tirent les lecons, quand meme... Je me souviens d'une reunion sur le tsunami, ou l'organisation qui m'avait engagee passait par le menu toutes les erreurs a corriger a l'avenir. Des jours et des jours de reflexion pour que les choses avancent. Ca allait des habits entasses sur les plages (trop de dons des Occidentaux, y compris des vetements d'hiver...) aux maisonnettes mal adaptees aux coutumes locales et donc utilisees pour les... animaux. Mais l'organisation avait aussi, sauve des vies, reorganise des familles, des villages, aide des pecheurs, etc.
Autre probleme : envoyer de l'argent ou des denrees alimentaires ? Et si ces denrees detruisent le marche local ? Et si l'argent est detourne ? Les humanitaires y pensent constamment. Comment agir en respectant au maximum... Ils ne l'oublient pas, en general.
Il ne faut pas oublier non plus que certains refusent l'aide. Au Darfour, quelqu'un nous expliquait comment des femmes preferaient mourir, et voir leurs enfants mourir, plutot que d'accepter l'aide car elle etait fournie par une partie au conflit (que je ne citerai pas) qu'elles jugeaient ennemie.
On pourrait parler longtemps du Darfour, aussi. Il est difficile de trouver des humanitaires (et encore plus des femmes) prets a risquer leur vie pour aller aider. Et on peut les comprendre...Quand les media critiquent, ils oublient parfois ce detail. Qui est pret a aller sur le terrain ?
C'est un probleme sans fin, mais les humanitaires font quand meme un travail difficile, remarquable. En tout cas beaucoup... meme si les exceptions et les "fausses" vraies organisations existent aussi.
Pas plus tard qu'hier, j'ai appris qu'un homme pour qui j'ai travaille avait ete libere, plusieurs mois apres avoir ete enleve. Personne n'en parlait, personne ne le saura vraiment... Beaucoup de travailleurs de l'ombre...Sans parler de ceux qui sont tues...
J'ai perdu des collegues, tues dans des embuscades, au Rwanda. Ca laisse des traces... Ingerence, sans doute, mais ils voulaient aider.
Le debat ne sera jamais clos. Desolee, post un peu decousu !
A bientot,
Laurence
Merci pour ce message Madame Moushette, j'y adhère tellement que comme je viens de le dire sur mon blog à moi : j'ai failli vous le piquer mais je n'aime pas bien le plagiat, et ç'aurait été pas poli donc je me fends d'un "petit" commentaire.
Pour ces petits acteurs, je crois que vous avez bien raison d'être inquiète quand on voit ce que deviennent nos enfants stars dans nos pays riches : Jordy, Drew Barrymore (la fiancée d'ET) le super petit gars de 6° sens (dont j'ai oublié le nom) il est clair qu'on a bien raison de donner des leçons à tous les météques !
Il est vrai que nous avons tous envie de la protéger, cette petite Latika, qui plus est à les mêmes yeux qu'une des mes filles. Mais il faut aussi penser à toutes celles qui ne sont pas passée au ciné ....
Quant à l'ingérence, c'est parfois du colonialisme... Oui l'aide humanitaire est utile essentielle, partager ses compétences est pour moi un devoir de tout être humain. Mais juger de son fauteuil avec ses a priori d'estomac bien rempli cela peut être dangereux.
Je ne vais pas envahir trop longuementvotre blog, mais en prenant l'exemple de la Polynésie. La plupart des aprents qui ont adopté là-bas, quand ils racontent leur histoire de rencontre et de confiance avec les parents bio, se sont entendus dire des ignominies type : " oh ben alors euh, vraiment des sauvages là bas ils aiment pas leurs enfants !"
Et ben si, ils les aiment tellement que comme la mère du jugement de Salomon, ils préfèrent s'en séaprer pour leur donner un meilleur avenir. Et la liste est longue de nos comportements complétement banalisé et qui choquent les polynésiens.
Ce qui me désépère le plus, c'est que peu à peu on a "gagné" notre pensée unique à la con (excusez la vulgarité , mais j'suis un peu en rogne) triomphe de plus en plus en Polynésie, grace à certains fonctionnaires zélés mais plus encore grace à la TV et aux séries débilous...
Excusez mon ingérence, et merci encore pour ce post, je vote pour.
Gwendo, tu as bien raison, la théorie est bien belle, mais souvent difficilement pratiquable...
Laurence, j'ai bcp aimé ta réponse (même si j'ai pas répondu tout de suite !), elle est très riche, on sent que tu baignes dedans ! sans être une humanitaire, tu as un sacré recul sur le sujet !
oui la forme la pire de l'ingérence peut être le colonialisme, cela me fait penser a "out of africa", quand karen blixen avait instauré une école et que brad lui répondait qu'elle remplaçait la formidable culture orale des kenyans par la culture écrite de l'occident...
Mais zauriez du le "plagier" mon post, pasque moi je ne me gêne pas pour plagier les autres !!! Rebondir sur le post d'un autre blog ne veut pas forcément dire plagier, au contraire c'est une discussion qui s'étoffe !
Scusi, j'y comprends rien aux politesses du blog. j'ai tellement été plagié (par une certaine assoc notamment) dans ma carrière de docteur de l'adoption, et par une auteur qui a repris mon idée de la poche de la maman de Petirou qui reste vide, et cela m'a blessé, c'qui fait qu'j'a pas osé !
Peut être moins HK (terme très à la mode depuis le projet adoptif des O) que Karen Blixen ;-)), un livre magnifique : Les immémoriaux de Robert SEGALEN, pour expliquer comment détruire une culture
C'est qui les O ???
OOA reste un de mes bouquins préférés... Meme la BO du film est chouette (c'est généralement ce que j'écoute en boucle pour dormir dans les avions !!!).
Mais si, Mdame Suzon, vous savez bien là, ce sympathique couple grand de taille, le teint un pue mat, le monsieur a changé de job il y a qqs mois,
Ils vont adopter une petite Kitty chez les soviets, ils en ont parlé dans le blog du "pédopsychiatre connu dans le suivi des enfants adoptés, lui même adoptant"
comme ils disent sur google ! en m'injuriant.
OOA un joli nom pour une OAA qui ferait adopter les ObAmA, hOlAlA, j'ai dû boire trop de chOcOlAt
O l A l A !
Effectivement, j'y baigne dedans... d'une certaine facon... mais j'ai aussi vraiment travaille dans une association humanitaire, en parallele (c'etait avant la naissance des enfants !!). Organisation qui s'occupait de la prevention/resolution des conflits dans la Region des grands lacs (Rwanda, Burundi, Tanzanie, etc), juste apres le genocide rwandais. Nous n'etions pas nombreux, j'etais la seule non Africaine, ce qui evidemment m'amenait a me demander si j'etais a ma place. J'apportais ce que je pouvais en me gardant bien de donner des conseils...mais ca m'a permis de rencontrer pas mal de monde dans l'humanitaire et il y avait sur le lot des gens extraordinaires.
Sur les quelques Rwandais (Hutus et tutsis) qui travaillaient avec nous, il ne reste personne. Assassines lors du retour au pays. Ca fait un choc de l'apprendre...
Bref, no comment...
A bientot,
Laurence
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