Les enfants adoptés sont-ils plus fragiles que les autres ?
09/05/2008 | Mise à jour : 07:37 |
Un enfant adopté aurait deux fois plus de chances de consulter un jour un professionnel de la santé mentale. Crédits photo : Maro KOURI/IML Image Group-REA
Si la plupart vont bien, une étude américaine met en évidence un peu plus de troubles du comportement, d'anxiété et de dépression que chez les non-adoptés.
Il est parfois bien difficile d'être parent de nos jours, le nombre d'ouvrages publiés sur la question en témoigne. Mais que se passe-t-il lorsque l'on est parent adoptant ? Certes, une fois devenus adolescents, la plupart des bambins adoptés n'auront pas plus de difficultés psychologiques que les autres. Mais ce n'est pas toujours le cas selon une étude nord-américaine publiée cette semaine (le 5 mai) dans les Archives de médecine de l'enfant et de l'adolescent, du groupe du JAMA (Journal of the American Medical Association).
«Certains d'entre eux ont eu plus de contact avec des professionnels de santé mentale que les autres enfants», pointe l'équipe de Margaret Keyes, de l'université du Minnesota à Minneapolis. Celle-ci a suivi un groupe de 540 jeunes de 11 à 21 ans nés dans des familles «classiques» et les a comparés à 514 ados adoptés à l'étranger ainsi qu'à 178 autres nés sur le territoire des États-Unis. Elle a interrogé régulièrement parents et enfants pour détecter d'éventuelles difficultés : troubles du comportement, de l'attention avec hyperactivité (très à la mode outre-Atlantique), conduites d'opposition, anxiété voire dépression. L'objectif d'une telle étude était de mieux évaluer les éventuelles difficultés des enfants adoptés, afin de réfléchir à une stratégie de prévention.
«Au final, le fait d'avoir été adopté double l'éventualité d'avoir consulté un professionnel de la santé mentale, estiment ces chercheurs. Certes la grande majorité de ces adolescents vont bien au plan psychologique mais, parmi ceux qui vont mal, ceux issus de l'adoption nationale éprouveront plutôt des troubles du comportement, alors que ceux qui ont été recueillis à l'étranger souffriront plutôt d'anxiété de séparation et de dépression.»
«Je ne suis pas de ce monde »
Ces conclusions méritent cependant d'être nuancées. En effet, pour le Pr Marie-Rose Moro, chef de service de pédopsychiatrie à l'hôpital Avicenne de Bobigny, qui a passé en revue diverses autres grandes études de ce type, «comme un tel résultat n'est pas concordant avec celui d'autres études, il me semble indispensable de relativiser ces conclusions qui risquent d'inquiéter à tort bien des familles». «Une chose est sûre en revanche, poursuit-elle, les parents adoptants consultent plus les psys pour leurs enfants car ils sont probablement plus à l'écoute que les autres familles. Et chaque fois qu'une difficulté apparaît, ils se posent la question de savoir s'il n'existe pas une vulnérabilité psychologique particulière.»
Une opinion que ne partage pas le Pr Marcel Rufo, chef de service de pédopsychiatrie à l'hôpital Salvator de Marseille. «Je reçois beaucoup d'adolescents adoptés qui vont mal et souffrent de troubles de la socialisation. Dans mon service précédent, un sixième des jeunes hospitalisés étaient des jeunes adoptés vivant dans des milieux socioculturels élevés. Comme si le fait d'avoir été adopté par de telles familles était un facteur handicapant. Pourquoi ? Parce qu'à l'adolescence ils vont se dire : je ne suis pas de ce monde, je viens d'ailleurs.»
Ce spécialiste, qui a dirigé durant quelques années la maison des adolescents à Paris (maison de Solenn), interprète d'ailleurs la survenue de toxicomanies et d'addictions diverses ou de fugues chez ces jeunes comme une quête boulimique destinée à vérifier qu'ils sont tout de même aimés, envers et contre tout, par leurs parents adoptifs. D'autant qu'à cette période charnière, ils se posent avec une acuité particulière la question de leurs origines et celle de savoir pour quelles raisons ils ont été abandonnés. Avec peut-être encore plus d'acuité lorsqu'ils viennent de contrées lointaines.
Insistant sur les compétences précoces du tout-petit qui, en quittant son pays, perd aussi les bruits, les odeurs, le langage, bref tout un contexte sensoriel dans lequel il a baigné déjà in utero, dans le ventre de sa mère, Marie-Rose Moro estime «qu'il ne faut pas sous-estimer le traumatisme de cette séparation initiale avec la mère biologique, ni oublier de prendre en compte toute la période où le bébé aura été pris en charge dans un orphelinat ou une collectivité».
«Parents trop laxistes»
D'autant que peuvent se poser par la suite tous les problèmes liés à la différence (couleur de peau, texture des cheveux), susceptibles d'engendrer à l'école une stigmatisation de la part des autres, voire un sentiment douloureux d'exclusion. «Ils devront alors pouvoir dépasser cela dans leur construction identitaire, et les parents adoptants devront eux aussi se confronter à la question de la différence», analyse cette spécialiste qui a ouvert l'an dernier à Bobigny une consultation destinée justement à toutes ces problématiques de l'adoption. «Mais lorsqu'un adolescent va mal, on ne peut pas réduire ses difficultés au fait qu'il ait été adopté. C'est un peu court comme raisonnement», lance-t-elle. Une réflexion partagée aussi par Marcel Rufo. «Gare aux bons sentiments, met-il en garde. Les parents adoptants sont toujours trop bons, voire trop laxistes. Ils ont beaucoup de mal à savoir poser des limites.»
Rappelons qu'en France, en 2006, près de 4 000 enfants ont été adoptés, dont près des trois quarts avaient été recueillis à l'étranger. Mais le nombre de familles en mal d'enfant et munies d'un agrément est particulièrement élevé. Plus de 30 000.
7 commentaires:
"Familles en mal d'enfants": quelle jolie expression!!!Je pensais plutôt "famille pleine d'amour à offrir".
Je vous aime bien Mr Rufo mais je suis loin d'être laxiste et trop bonne.
Et je pense aussi que les familles adptantes consultent assez vite parce que ce sont des familles sensibilisées aux soucis psychologiques de leurs enfants.
Et pourquoi ne compare-t-on jamais l'état psychologique des enfants adoptés avec celui des enfants qui n'ont jamais trouvé de famille?
Oui nane, "famille en manque d'enfants" c assez moche, je suis d'acc ! Et on ne parle jamais comme ca d'une famille ou la femme arrete sa pillule...
Par contre je trouve cet article intéressant car il permet de déculpabiliser une famille où l'enfant peut poser pb. Par contre je me méfie des stats, car depuis 20 la mentalité de l'adoption (et notamment l'attitude des parents et la préparation des enfants dans les orpheux) a bien changé et je pense que nos enfants sont bien mieux armés pour affronter l'adolescence que ceux adoptés il y a 20 ans.
Et comme dit l'article, la majorité va bien... Et puis bon ca nous prépare aux montagnes russes de l'adolescence tout ca !!!!!!
depuis 20 ans je voulais dire dans le précédent comment, ooups !
Chez nous, on a des bios et des adoptés.Souvent, tout va bien et parfois, c'est beaucoup plus difficile . Et nous n'hésitons pas à consulter un psy quand c'est nécessaire que l'enfant en souffrance soit adopté ou fait maison.
L'article est chouette pour les parents qui ont adopté mais ça me fait un peu peur quand le regard est extérieur. Je trouve qu'on catalogue un peu vite nos enfants d'"enfants à problèmes" parce que "les pauvres", ils ont été adoptés!
Même si on a vécu des choses difficiles, on peut les surmonter grâce à l'amour de familles "heureuses d'avoir des enfants".
Oui la consult pour gosses fait bien partie des moeurs et c'est une excellente chose ! je suis étonnée de voir le nombre d'enfants qui ont consulté dans la classe de mon fils (et lui pas encore !!!).
Par contre, malheureusement, je ne pense pas que l'amour et l'écoute de son enfant suffisse à surmonter les traumas d'un enfant abandonné, balotté ou qui ait vécu des traumatismes affectifs avant son adoption. Les enfants sont incapables de se réattacher, n'arrivent pas à se plier aux règles sociales les les plus classiques...
Cela est lié essentiellement à l'histoire de ces enfants, cela n'a rien avoir avec l'adoption, mais lorsque ces enfants arrivent dans les familles d'adoption, l'amour seul ne suffit pas, rop de mal a été fait en aval.... Mais c'est une minorité heureusement...
Quant à l'opinion publique, les adoptions sont de plus en plus nombreuses et à fortiori les adoptions qui se passent bien aussi ! Tout le monde connait qq'un qui, et finalement ca se passe quand meme souvent assez bien, et les gens tirent leurs conclusions là desssus. Maintenant il restera toujours une tranche de la populace qui préfère privilégier les liens du sang et qui trouvent donc normal que l'adoption se passe mal....
Je suis tout à fait d'accord avec toi .C'est bien pour ça que quand je vois qu'un de mes enfants va mal, nous consultons un spécialiste ce qui fait du bien à l'enfant et aux parents (quand le psy est compétent)même si ça ne répare pas tout.
Et continuer à les aimer envers et contre tout. Même si ça n'est pas facile.
Je ne sais pas si les années font ou pas La Différence sur une adoption réussie. Dès l'instant où les parents sont prêts psychologiquement à avoir un enfant différent, à lui offrir tout l'amour dont il a besoin tout se passera bien, que l'enfant soit adopté il y a plus de 20 ans ou pas.
Je vais continuer cette discussion sur mon blog, car je suis trop sensibilisée à ce problème ..
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