lundi 16 juin 2008
J'ai été adopté
J’ai été adopté
Jonathan a été adopté à l’âge de 3 ans. Pendant des années, ses origines salvadoriennes ont été un poids pour lui. Aujourd’hui serein, ce jeune homme de 25 ans évoque les interrogations liées à son adoption.
Jonathan est né au Salvador. A l’âge de 3 ans, il a quitté ce pays pour être adopté par une famille française. Il a mis longtemps à accepter son adoption. Pendant son enfance, il a même cherché à la dissimuler. Aujourd’hui sur la trace de ses origines latino-américaines, Jonathan évoque avec Restons en Forme le cheminement qui l’a conduit à préparer aujourd’hui un voyage au Salvador.
REF : Pourquoi vos parents se sont-ils tournés vers le Salvador ?
Jonathan : Ils avaient essayé d’adopter en France mais les procédures sont très difficiles et ça n’avançait pas. Un jour, ils ont rencontré une personne qui travaillait à l’ambassade du Salvador et qui leur a parlé des possibilités d’adoption dans ce pays. Avant moi, mes parents avaient déjà adopté ma sœur, qui venait elle aussi du Salvador.
REF : Gardez-vous des souvenirs de ce pays ?
Jonathan : Contrairement à ma sœur, qui avait 6 ans quand elle est arrivée, je n’en garde pas beaucoup. J’avais seulement 3 ans quand je suis parti. Je me souviens des troupes de soldats. A l’époque, c’était la guerre civile là-bas… Je garde aussi des souvenirs de ma dernière famille d’accueil. J’étais souvent seul là-bas et j’avais peur. Et puis on est venu me chercher.
REF : Quand avez-vous compris que vous aviez été adopté ?
Jonathan : Dès que j’ai eu l’âge de le comprendre. Mes parents ne m’ont jamais rien caché. Ils m’ont même toujours autorisé à consulter mon dossier d’adoption à l’ambassade du Salvador. Même si je ne l’ai fait qu’il y a quelques mois…
REF : Quels ont été vos rapports avec le Salvador pendant votre enfance ?
Jonathan : J’ai mis longtemps à accepter ma condition d’enfant adopté. Je prenais mes origines comme un poids à porter. Je voulais ressembler à tout le monde. Et débarquer du Salvador, c’est quand même une vie que tout le monde n’a pas eue. Alors, pendant longtemps, j’ai essayé de cacher mon adoption. A l’école, j’ai fait exprès de prendre allemand première langue pour éviter l’espagnol. Je ne voulais pas entendre parler du Salvador.
REF : Quelles difficultés avez-vous connues en tant qu’enfant adopté ?
Jonathan : C’est dur de voir sa vie commencer à 3 ans. Je ne sais pas à quel âge j’ai marché, ni quels ont été mes premiers mots ou bien les maladies infantiles que j’ai pu avoir. Je n’ai pas toujours bien vécu ma couleur de peau : j’ai la peau mate. Ça n’est pas grave quand on vit dans une cité et que nos amis viennent de partout. Ce qui me gênait, c’était la différence physique entre moi et mes parents.
REF : Evoquiez-vous librement votre adoption avec vos parents ?
Jonathan : Mes parents m’ont souvent poussé à en parler. Si le sujet était rarement abordé, c’était parce que je ne le voulais pas. Ma sœur avait beaucoup plus de souvenirs. Elle en souffrait et elle avait besoin de l’évoquer. Mais moi, je me renfermais : dès qu’on touchait à ce sujet, je me braquais. Je partais jouer tout seul dans mon coin. Je n’arrivais pas à comprendre l’adoption. Pourquoi était-ce moi qu’on avait choisi ? Je pensais aux enfants qui étaient restés au Salvador et ça m’angoissait. Je me sentais responsable du fait qu’ils sont restés là-bas.
REF : Qu’est-ce qui vous a fait évoluer vis-à-vis de vos origines ?
Jonathan : En 2005, je suis allé aux Journées mondiales de la jeunesse en Allemagne. Là-bas, j’ai sympathisé avec des Equatoriennes. Ma ressemblance physique avec elles m’a interpelé. Ça m’a donné envie d’en savoir plus et de renouer avec mes racines. A présent, je suis en contact avec deux Salvadoriennes. J’ai maintenant le projet de me rendre au Salvador dès que je pourrai. Je crois que j’aurai définitivement accepté mon adoption quand je me serai rendu là-bas et que je parlerai couramment espagnol.
REF : Avez-vous des contacts avec votre famille biologique ?
Jonathan : Il y a quelques mois, j’ai reçu un coup de téléphone de l’ambassade du Salvador. Ils m’annonçaient que j’avais une sœur, adoptée elle aussi, qui avait fait des recherches sur sa famille et qui m’avait retrouvé. Ils me demandaient si je voulais bien la voir. Nous avons repris contact. Ça s’est très bien passé. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à retrouver d’autres membres de la fratrie. Nous avons appris que ma mère avait fui le Salvador après ma naissance, mais nous avons perdu sa trace.
REF : Comment votre famille adoptive a-t-elle vécu ces retrouvailles ?
Jonathan : Ma sœur a tout de suite trouvé ça génial. Elle était très contente pour moi. La réaction de ma mère a été plus mitigée. Au début, elle avait peur que ça ne nous éloigne ma sœur et moi. Comme ça n’a pas été le cas, elle a ensuite bien pris les choses.
REF : Comment voyez-vous votre adoption aujourd’hui ?
Jonathan : J’ai longtemps été dans le déni. Mais maintenant, je la prends comme un plus. C’est une richesse d’avoir une double culture. J’ai eu la chance d’être adopté par une famille formidable qui m’a donné beaucoup d’amour. Aujourd’hui, je pense aux membres de ma famille qui n’ont pas eu cette chance. J’aimerais les retrouver et faire quelque chose pour eux. Je voudrais les faire profiter de ma chance.
REF : Quels conseils donneriez-vous aux parents adoptifs ?
Jonathan : Il ne faut pas qu’ils s’inquiètent. C’est normal de se poser des questions vis-à-vis de son adoption. Comme je ne me confiais pas, ma mère avait l’impression que je ne l’aimais pas. Mais avec le temps, tout finit par s’arranger. Les enfants comprennent et acceptent. A l’époque, mes parents avaient essayé de se tourner vers une association d’enfants adoptés. Comme je voulais être comme tout le monde, j’avais refusé. Mais je crois que ça m’aurait fait du bien de rencontrer des enfants dans le même cas que moi. Finalement, je viens de m’y inscrire cette semaine. Je voudrais parrainer des enfants adoptés.
Propos recueillis par Elise Grandjean
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