jeudi 10 juin 2010

Jamais 2 sans trois...

Le téléphone sonne, une voix que je connais bien me dit qu'il me passe S.

Je commence par un "Bonjour ! Comment ça va ?"

Elle me répond "Je vais bien".

Jusqu'à là c'est facile, c'est une de ses premières leçons de français qu'elle avait eu à Bhuba.

Puis les choses se compliquent, j'essaye de lui poser des questions simples, sur son nouveau quotidien français. Elle me comprend difficilement, et je sais bien qu'elle ne m'appelle pas pour me raconter sa vie...

Son papa m'explique. Elle a le blues de ses 3 copines. Elle aimerait les revoir, au plus vite. Qu'elles soient dans l'avion juste après le sien qui l'avait mené dans sa ville de provice, comme c'était le cas dans nos trois taxis en Inde. Qu'elles habitent dans la maison d'en face. Mais non, des centaines de kilomètres les séparent.  Et il a eu des niouz des deux autres familles, c'est pareil chez eux aussi, les trois filles sont tristes des unes et des autres...

Voyager avec trois familles, c'est génial et j'ai adoré, même si point de vue GO ca peut être un peu plus lourd (inertie de groupe, communications à répéter, plus d'aléas etc). Pour les familles c'est chouette aussi lorsqu'il y a bonne entente. C'est rassurant de voir qu'on est tous dans la même galère, c'est plus léger lorsqu'on peut rigoler un peu malgré le stress. Pour les minettes, c'est aussi très cool, ça permet de partir ensemble, bcp moins stressant que de partir seule. Et ca permet de jouer et de rester ensemble pendant tous ces temps plutot que de s'ennuyer avec des gentils parents qui ne te comprennent même pas.

Nos trois gamilles de Bhuba, en minettes malignes qu'elles sont, ont compris qu'elles pouvaient elles aussi profiter de cette effet de "masse", en formant leur bande à elles, schintant la couleuvre pas toujours facile à avaler, celle de l'attachement avec ces nouveaux parents, très sympas certes, mais quand même bizarres car débarqués d'une toute autre planète. Les petites sont devenues siamoises (lorsqu'une a envie d'aller aux toilettes, les autres la suivent ...), et les parents ont eu bien du mal à faire leur place malgré nos efforts communs (accompagnatrices inclues !) pour les séparer "à coup de hachette" tant leur fusion était forte. Et puis on le sait tous, les filles morphlent de leur séparation avec l'orpheu, les conditions de vie ne sont pas toujours évidentes lors des ces périodes de transition indiennes, alors doit on leur rajouter une couche "vasy fais tes devoirs et bosse sur la construction du lien avec tes parents" ?

Voyager à plusieurs familles peut aussi être un handicap pour la construction du lien entre parents et enfants, et ce n'est pas la première fois que j'ai eu échos de ce phénomène de "bande" (sachant qu'une bande peut être peuplée uniquement deux filles "contre" la bande des deux mères venues les chercher !!!).

Mes gamines étaient cigales en Inde, malgré tous nos efforts. Et voilà, en cette période de bise française, la réalité est dure à accepter, les larmes fusent, la tristesse coule de l'autre côté du téléphone... Et nous, parents, accompagnatrices, nous sentons bien impuissants et tristes face à leur profond désespoir.

On le sait, c'est pour leur bien, mais pourtant nos coeurs saignent aussi. Mais sans doute qu'à cette triste occasion, les parents diront pour la première fois à leur enfant qu'ils sont là et seront toujours là pour l'aider au mieux dans les périodes noires de sa vie.

Et heureusement que d'ici 15 jours, ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir...

12 commentaires:

Virginie et ses trésors a dit…

Ça doit être tellement dur pour elles... C'était leurs seuls points de repère par rapport à leur vie d'avant. J'imagine leur tristesse et ton impuissance face à ces sanglots dans le téléphone. Que c'est délicat...
Vivement que le temps fasse son oeuvre et que tout ça ne soit plus que des souvenirs.
Encore bravo pour ton super job non rémunéré de GO.
Bises
Virginie, maman d'Anaïs

Isabelle a dit…

Je continue de penser qu'être trois était une bonne chose, un sas de sécurité dans une période d'entre deux inconfortable. A présent, la réalité est là, difficile pour les petites minettes. L'évolution dépendra beaucoup des parents, ils ont besoin de leur côté d'être aussi sécurisés, de faire face à leurs doutes et leurs peurs. Et de les dépasser pour être la solide étai dont les enfants ont besoin.
:-)

gwendoline a dit…

Tout est question d'équilibre et chaque individu a une autre équilibre que son voisin... Pas simple de trouver LA solution car elle n'existe pas. Moi, je crois qu'être "groupé" est bien car si le groupe fonctionne (très important et pas si simple...), cela créé des liens qui aideront tout le monde, les enfants et les parents. Peut-être qu'après la période d'euphorie, c'est un peu la déroute mais je pense que c'est toujours un peu le cas, que l'on soit "groupé" ou pas.
Les filles sont à des km l'une de l'autre mais elles se retrouveront rapidement. Ce n'aurait pas ou moins été le cas s'il n'y avait pas eu ce groupe ?

Gwendoline

Moushette a dit…

Isab', moi aussi je continue à le croire, mais comme pour tout il y a ses + et ses - !

gwendo, si elles n'étaient pas parties ensemble, elles ne se seraient pas réclammées et manquées autant une fois à la maison (mais auraient été tout aussi ravies de se retrouver à nos rassemblements). Leur clubbing s'est substitué à la perte des repères de l'orpheu.

Anne a dit…

Vite fait à chaud, j'ai l'impression que pour Shreeleka, le plus dur a été le départ de l'orpheu, et que la présence de ses copines a été salutaire pour elle (et pour nous). L'arrivée ici se fait beaucoup plus en douceur. Mais chaque histoire est effectivement unique!

Brigitte a dit…

Lorsque je suis partie en Haiti chercher ma fille, nous nous sommes retrouvés à 1 dizaine de familles à voyager puis à l'orphelinat, moment de partage intense, hors du temps... qui m'a bien aidé pour ma part à vivre la première semaine de rencontre avec Lilou 21 mois qui a été non stop une succession de colères et de calin pour s'apaiser le 8ème jour... il y avait aussi une psychologue avec nous...
Chaque fois que nous nous retrouvons j'observe un lien très fort entre les enfants mais aussi entre les enfants et les adultes. Il y a deux semaines j'ai accueilli chez moi une famille de cette aventure avec leur fille de 9 ans, 4 ans à l'époque et j'ai été très touchée : j'étais dans ma chambre avec cette grande file, je me suis parfumée et elle m'a dit oh ! c'est ton odeur d'en Haïti elle s'en souvenait .... dingue...
Brigitte

Ludo a dit…

Evidemment que voyager à 3 familles est la meilleure solution, même si il y a la "lourdeur" du groupe et la fusion des 3 filles qui se séparent dans la douleur à la fin. Globalement, on s'entendait bien, pas de problème de relation etc...

Des liens se sont créés entre nous, et bien sûr, les filles mais aussi les parents auront plaisir à se revoir. Nous avons vécu des moments très forts, uniques, des partages et de la détente. Des choses qui nous ont tatoué.
Je crois qu'il est bon que les filles gardent des liens entre elles pour les années à venir, car en se retrouvant, elles retrouvent leurs racines et par là, leur pays natal....

Je voudrais terminer par un grand merci à EDE, pour tout ce boulot et cet investissement humain. Partir à 3 familles avec 2 accompagnatrices dont une psy, nous a mis dans des conditions idéales.
Je le souhaite à chacun....

Pour l'instant, Shreelekha est à nouveau distante avec moi, mais commence à bien se dérouiller avec ses frères et soeurs et même avec son papi aujourd'hui! Je reste très confiant pour la suite...

Moushette a dit…

Ouaih Ludo, moi aussi je suis 100% confiante ! Tu trouveras la brèche qui fera fondre son caractère de mulet !!!

L'ambiance de notre groupe était vraiment sympa, et vu les emails, posts sur blogs, appels etc. je suis certaine qu'on a tous au fond de nous un peu la nostalgie de notre petit groupe et son ambiance bonne enfant de colonie de vacances !!!! (sans parler de la délicieuse cuisine du colaba....)

Moushette a dit…

Heu et de rien de la part de l'équipe EdE pour les mercis ! :-)

gwendoline a dit…

Je sais Moushette mais justement cela déplace un peu le "problème" et ça peut le rendre plus supportable...L'orphelinat, elles ne le reverront pas de si tôt. Par contre la "copine" qui, par ce qui vous avez créé en constituant ce groupe, est devenue un prolongement de l'orphelinat, elles pourront la revoir / l'entendre plus facilement si elles le souhaitent. C'est en ce sens que je pense que ce n'est pas si mal... Mais peut-être que je me trompe.
Biz
Gwendoline

Moushette a dit…

gwendo, je dis pas que c'est mieux ou c'est pire, car chaque situation a ses + et ses -, et le déroulement des évenement dépend aussi bcp des enfants et de leurs parents. Mais il faut être averti du possible "phénomène" lorsque l'on part rencontrer son enfant en groupe.

nissa Anne&Luc a dit…

Bien après...
mais je voulais juste encouragé Gwendoline...
Ce n'est pas simple...

Et pourtant ce projet de partir à plusieurs famille me semble aussi si fructueux... mais autant en connaitre les limites, c'est vrai

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